Monday 2 June 2008


[...] En cherchant l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite
Vaste, noir et sans fond, d'où la nuit qui l'habite
Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours;
Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,

Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre,
Spirale engloutissant les Mondes et les Jours!

Immobile Destin, muette sentinelle,
Froide Nécessité! Hasard qui, t'avançant
Parmi les mondes morts sous la neige éternelle,
Refroidis, par degrés, l'univers pâlissant,

Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,
De tes soleils éteints, l'un l'autre se froissant...
Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle,
Entre un monde qui meurt et l'autre renaissant?

O mon père! est-ce toi que je sens en moi-même?
As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort?
Aurais-tu succombé sous un dernier effort
De cet ange des nuits que frappa l'anathème?

Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir;
Hélas! et, si je meurs, c'est que tout va mourir!"

Nul n'entendait gémir l'éternelle victime,
Livrant au monde en vain tout son coeur épanché;
Mais prêt à défaillir et sans force penché,
Il appela le seul - éveillé dans Solyme:

"Judas! lui cria-t-il, tu sais ce qu'on m'estime,
Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché:
Je suis souffrant, ami! sur la terre couché...
Viens! ô toi qui, du moins, as la force du crime!"

Mais Judas s'en allait, mécontent et pensif,
Se trouvant mal payé, plein d'un remords si vif
Qu'il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites...
Enfin Pilate seul, qui veillait pour César,

Sentant quelque pitié, se tourna par hasard:
"Allez chercher ce fou!" dit-il aux satellites.

C'était bien lui, ce fou, cet insensé sublime...

Cet Icare oublié qui remontait les cieux,
Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux,
Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime!

L'augure interrogeait le flanc de la victime,
La terre s'enivrait de ce sang précieux...
L'univers étourdi penchait sur ses essieux,
Et l'Olympe un instant chancela vers l'abîme.

"Réponds! criait César à Jupiter Ammon,
Quel est ce nouveau dieu qu'on impose à la terre?
Et si ce n'est un dieu, c'est au moins un démon..."

Mais l'oracle invoqué pour jamais dut se taire;
Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère:
Celui qui donna l'âme aux enfants du limon.

Gerard de Nerval

1 comment:

Anonymous said...

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